Lettre du comte de Chambord à Monseigneur de Ségur
Suite à la publication de son opuscule « VIVE LE ROI », en 1871.
Né à Paris le 15 avril 1820, Mgr de Ségur est le fils aîné du comte Eugène de Ségur et de la célèbre comtesse née Sophie Rostopchine. Ordonné prêtre en 1847, il exerce son ministère avec zèle auprès des petits et des délaissés. Nommé prélat de l’Église, il semblait destiné à l’épiscopat, quand il perd définitivement la vue en 1854. Il fonde et organise, en 1857, l’OEuvre de Saint-François de Sales. Il meurt le 8 juin 1881.
« C’est en revenant de Chambord que j’ai trouvé à Bruges, Monseigneur, votre admirable lettre et l’hommage qui l’accompagne. J’ai reçu l’un et l’autre avec un véritable bonheur. « Ce petit livre, auquel votre modestie donne le nom d’opuscule, est le traité le plus complet et le plus lumineux qu’on puisse lire sur ce grand sujet de la souveraineté royale. On a écrit bien des volumes pour établir très imparfaitement ce que vous démontrez en quelques pages avec une merveilleuse clarté.
« Je ne m’arrête point aux jugements trop bienveillants portés sur ma personne. Mais ce qui me frappe et ce qui saisit toutes les âmes de bonne foi, c’est l’enchaînement et la puissance de votre argumentation, la sûreté de votre doctrine, l’évidence de vos démonstrations. Je voudrais, dans l’intérêt de la vérité de notre chère et malheureuse France, que ce livre fût dans toutes les mains, et j’engage mes amis à le faire pénétrer partout, dans l’atelier, dans les salons, dans la chaumière. On ne se livrera jamais à une propagande plus utile et plus féconde.
« Je ne saurais assez vous dire la reconnaissance dont je me suis senti pénétré en recevant la chaleureuse expression de votre dévouement et de vos voeux. Il vous était réservé de prolonger ainsi les douces émotions que je rapportais de France, et rien ne pouvait me toucher plus profondément.
« Je me recommande tout spécialement à vos saintes prières. Dieu exauce de préférence celles que lui adressent les humbles de coeur et les âmes ferventes. C’est à ce titre que je compte sur les vôtres. Je vous renouvelle l’expression de tous mes sentiments de reconnaissance et de constante affection.
« Henry
Le 12 juillet 1871»
Lettre de condoléances du comte de Chambord à son frère en 1881
« Froshdorf, le 20 juin 1881.
« Je n’oublierai jamais la vive et douce impression que je ressentis à Bruges lorsque, en revenant de Chambord en 1871, j’y trouvai la lettre d’un pieux évêque dont je connaissais les vertus, mais qui s’adressant directement à moi à propos des paroles que je venais de faire entendre à mon pays, me révélait tout ce qu’il y avait d’élévation et de patriotisme dans ce noble coeur et dans cette grande âme. C’est vous dire quelle a été mon émotion en apprenant la mort de votre illustre frère. Je plaindrais ceux qui, après avoir vu à l’oeuvre, pendant trente ans, Mgr de Ségur, au centre même de Paris, sans jamais faillir un jour aux labeurs de son fécond apostolat, ne s’inclineraient pas avec respect devant la tombe de celui qui a fait tant de bien, qui a tant aimé la jeunesse des écoles, les ouvriers, les pauvres, tous les déshérités de ce monde ; qui fut le protecteur, le conseil, l’inspirateur, le soutien de tant d’oeuvres admirables ; de celui dont la résignation dans l’épreuve, le charme dans les relations, l’austérité de la vie et la sérénité dans les plus ardentes controverses, était la plus ardente des prédications…
« Plus la révolution redoublait d’audace contre l’Église, plus il redoublait de vigilance et de perspicacité pour surprendre les moindres symptômes du péril social et les dénoncer avec un courage, qui ne transigera jamais, dans ses publications populaires, dont Pie IX admirait la merveilleuse clarté. En face des ennemis de la foi ou des adversaires de la saine doctrine, il n’a rien craint et tout osé ; partout où il a rencontré l’erreur ou la haine, l’illusion ou la faiblesse, il a revendiqué avec énergie les droits de la vérité méconnue et de la conscience opprimée. Il savait trop ce que les grandes institutions catholiques doivent attendre des gouvernements athées ; il savait trop que les nations ont chacune leur mission spéciale, assignée dans les desseins providentiels, et que, pour notre bien-aimée France, en particulier, si l’État sans Dieu est un contre-sens et une apostasie, l’État chrétien est une question de vie ou de mort…
« Je vous félicite du nouvel éclat que la vie et la mort du saint évêque, si humble et si mortifié, ne peuvent manquer d’ajouter à votre nom, déjà illustré par tant de vertus de famille et de services rendus aux lettres et à la cause du bien. Je tiens à ce qu’aucun des vôtres ne puisse douter de la part que je prends à leur douleur, et je vous charge d’être auprès de tous mon fidèle interprète. Croyez à la sincérité de ma gratitude.
« Henry
(Extraits de La Blanche Hermine : N° 63 – novembre – décembre 2007, publication de la FÉDÉRATION BRETONNE LÉGITIMISTE)