Pourquoi le comte de Chambord ?

comte de Chambord

La disparition sans postérité d’Henri V comte de Chambord en 1883, fut et demeure une tragédie. En effet, avec lui disparaît non seulement la branche aînée des Bourbon, mais aussi, et surtout, une certaine conception du royalisme : qu’on le veuille ou non, le comte de Chambord aura été le dernier de nos princes réellement désiré de ses sujets. Le royalisme sera différent après sa mort : plus polémique, plus militant, plus intellectuel, et moins enraciné ; bref, après lui, l’attachement quasi-charnel de presque tout un peuple pour son prince n’existera plus. Ayant dorénavant à choisir entre une branche cadette et régicide, et une branche aînée mais étrangère, les royalistes seront divisés par des doctrines, et le royalisme se rapprochera plus d’un parti comme les autres au lieu de rester un principe qui les transcende. En conséquence, aujourd’hui, de nombreux royalistes restent désemparés, et ne semblent pas oser imaginer un royalisme moderne comme une réelle force politique, et faute de mieux restent attachés au souvenir de ce prince à la vie aussi exemplaire que semée d’épreuves, aussi héroïque que tragique. Le gouffre entre l’engouement de tout un peuple pour la naissance de l’enfant du miracle et sa désillusion lors du discours du drapeau blanc en dit long sur l’intensité des passions que sa vie a soulevé.

Le but de ce site est de rassembler autour du souvenir du comte de Chambord tout ce qui peut se rapporter à sa vie, à son œuvre, et au symbole qu’il a pu représenter et qu’il représente encore.

Ce site est aussi un lieu de rencontre entre passionnés et collectionneurs. Si vous désirez en savoir plus, proposer des éléments (photos, références de livres, anecdotes sur la vie du comte de chambord …), faire une remarque sur le site, réclamer l’ajout d’une précision quelconque, ou même nous envoyer une page à ajouter : n’hésitez pas à nous contacter !

Dernier séjour du comte de Chambord en France

Maison où le comte de Chambord fut logé

C’est du 9 au 20 novembre 1873 qu’a lieu le dernier séjour de Monseigneur en France, soit deux ans après le discours du drapeau blanc. La république, votée par défaut par une assemblée aux deux tiers royaliste, semble peiner alors à voir clair dans la suite qu’elle souhaite se donner.

C’est à la suite de la très officielle réconciliation publique entre les Orléans et le comte de Chambord que celui-ci arrive incognito à Versailles le 9 novembre 1873. Il s’installe dans une maison de la rue Saint-Louis appartenant à Vanssay, avec ses plus proches fidèles (Blacas, Monti, Chevigné et Charlemagne : son vieux serviteur), où il occupe un pavillon situé dans le jardin, tandis que son hôte continue de recevoir dans la maison principale, pour donner le change. Cette maison, que l’on peut encore voir aujourd’hui, est située non loin de la cathédrale, et c’est au cours de ce séjour que va se dérouler ce qui est sans doute la dernière véritable occasion d’une restauration monarchique de notre Histoire.

Refusant d’être redevable de quoi que ce soit envers une assemblée, c’est avec le président Mac-Mahon qu’il veut traiter, comptant sur le soutien de l‘épouse de celui-ci, Elisabeth de Castries : une légitimiste de toujours. Mais Mac-Mahon, par l’intermédiaire de Blacas qui joue l’émissaire, refuse d’aller le rencontrer, même en catimini. Il interdit même à son épouse toute démarche, et fait savoir qu’il n’est pas dans ses intentions de tenter quoi que ce soit. Le comte de Chambord (qui, dépité d’un tel manque de courage, s’écrie : « Je croyais avoir affaire à un Connétable, je n’ai trouvé qu’un capitaine de gendarmerie ! ».), refusant de se déplacer lui-même pour ne pas s’exposer à un refus qui serait un point de non-retour, reste cloîtré dans la maison versaillaise prêtée par Vanssay. Il y demeure une dizaine de jours, assistant quotidiennement à la Messe du père Marcel, un capucin qui vient sur place pour la célébrer. C’est là qu’il apprend, le 20 novembre 1873, que les députés viennent de voter le septennat, avec soixante-huit voix Plaque souvenir du comte de Chambordde majorité. Mac-Mahon a réussi son coup : il devient donc président pour sept ans. Prétextant un soi-disant refus du comte de Chambord, il a présenté le septennat comme la solution-miracle permettant d’attendre le décès de ce dernier pour couronner son cousin le comte de Paris. Ce vote est d’autant plus regrettable que plusieurs députés royalistes déclareront plus tard que leur suffrage aurait été tout autre s’ils avaient su la présence et les intentions de Monseigneur. En outre, on sait bien, hélas, ce que vaudra cette solution pour une hypothétique restauration : à la mort du comte de Chambord, la république a tout fait pour s’installer durablement : les groupes parlementaires sont cassés, l’emprise de l’Etat sur l’école commence à se faire sentir dans les mentalités, et l’anticléricalisme devient la nouvelle religion d’Etat.

On peut donc dire que c’est ce 20 novembre 1873 que le comte de Chambord quitte définitivement la scène politique : ne voulant pas devenir le jeu d’un parti, il préfère l’exil, et quitte cette maison de Versailles pour reprendre la route de Froshdorf. La fourberie des uns et la faiblesse des autres ont eu raison de cette restauration dont le bénéfice aurait été évident pour cette France en plein désarroi, et ce sont les Français qui ne cessent depuis de payer cette erreur de l’Histoire.

Drapeau blanc

chateau de Chambord

«Français,

Je suis au milieu de vous.

Vous m’avez ouvert les portes de la France et je n’ai pas pu me refuser le bonheur de revoir ma patrie.

Mais je ne veux pas donner, par une présence prolongée, de nouveaux prétextes à l’agitation des esprits si troublés en ce moment. Je quitte donc Chambord que vous m’avez donné et dont j’ai porté le nom avec fierté depuis quarante ans, sur les chemins de l’exil. En m’en éloignant, je tiens à vous le dire, je ne me sépare pas de vous, la France sait que je lui appartiens. Je ne puis décliner que le droit monarchique est le patrimoine de la nation, ni décliner les devoirs qu’il impose envers elle. Ces devoirs, je les remplirai, croyez-en ma parole d’honnête homme et de Roi. Dieu aidant, nous fonderons ensemble et quand vous le voudrez, sur les larges assises de la décentralisation administrative et des franchises locales, un gouvernement conforme aux besoins réels du pays. Nous donnerons pour garanties à ces libertés publiques auxquelles tout peuple chrétien a droit, le suffrage universel, honnêtement pratiqué, et le contrôle des deux chambres, et nous reprendrons en lui restituant son caractère véritable, le mouvement national de la fin du dernier siècle. Une minorité révoltée contre les vœux du pays en a fait le point de départ d’une période de démoralisation par le mensonge et de désorganisation par la violence. Ses criminels attentats ont imposé la révolution à un pays qui ne demandait que des réformes et l’ont dès lors poussé vers l’abîme où hier elle eut péri, sans l’héroïque effort de notre armée. Ce sont les classes laborieuses, ces ouvriers des champs et des villes, dont le sort a fait l’objet de mes plus vives préoccupations et de mes plus chères études, qui ont le plus souffert de ce désordre social. Mais la France, cruellement désabusée par des désastres sans exemples, comprendra qu’on ne revient pas à la vérité en changeant d’erreur, qu’on n’échappe pas par des expédients à des nécessités éternelles. Elle m’appellera et je viendrai à elle tout entier, avec mon dévouement, mon principe et mon drapeau. A l’occasion de ce drapeau, on m’a imposé des conditions que je ne doit pas subir.

FRANCAIS!

Je suis prêt à tout pour aider mon pays à se relever de ses ruines et à reprendre son rang dans le monde. Le seul sacrifice que je ne puisse lui faire est celui de mon honneur. Je suis et je veux être de mon temps, je rends un sincère hommage à toutes ses grandeurs, et quelle que fut la couleur du drapeau sous lequel marchaient nos soldats, j’ai admiré leur héroïsme, et rendu grâce à Dieu de tout ce que leur bravoure ajoutait aux trésor des gloires de la France. Entre vous et moi, il ne doit subsister ni malentendu, ni arrière-pensée. Non, je ne laisserai pas, parce que l’ignorance ou la crédulité auront parlé de privilèges, d’absolutisme, ou d’intolérance, que sais-je encore? de dîme, de droits féodaux fantômes, que la plus audacieuse mauvaise foi essaie de ressusciter à vos yeux, je ne laisserai pas arracher de mes mains l’étendard d’Henri IV, de François 1er et de Jeanne d’Arc. C’est avec lui que vos pères, conduits par les miens, ont conquis cette Alsace et cette Lorraine dont la fidélité sera la consolation dans nos malheurs. Il a vaincu la barbarie sur cette terre d’Afrique, témoin des premiers faits d’armes des princes de ma famille. C’est lui qui vaincra la barbarie nouvelle dont le monde est menacé. Je le confierai sans crainte à la vigilance de notre armée : il n’a jamais suivi, elle le sait, que les chemins de l’honneur. Je l’ai reçu comme un dépôt sacré du vieux Roi mon aïeul, mourant en exil. Il a toujours été pour moi inséparable du souvenir de la patrie absente, il a flotté sur mon berceau et je veux qu’il ombrage ma tombe.
Dans les plis glorieux de cet étendard sans tache, je vous apporterai l’Ordre et la Liberté.
Henri V ne peut abandonner le drapeau blanc d’Henri IV.
Chambord, 5 Juillet 1871
Henri.»

carosse du comte de Chambord
Le carrosse du comte de Chambord:
préparé pour la Restauration manquée de 1871, il se trouve actuellement à Chambord.

(Photo du château : © Benoît Schroeder)

Sa vie

comte de Chambord

(Image : coll. particulière Mitch Chanet)

Après le tragique assassinat de son père Charles-Ferdinand d’Artois, duc de Berry, le 14 février 1820, le duc de Bordeaux, naît le 29 septembre 1820, aussitôt surnommé l’enfant du miracle, il sera plus connu ensuite sous le titre comte de Chambord.

Après dix ans d’insouciance à la cour de France, la révolution de 1830 marque un premier bouleversement dans la vie du duc de Bordeaux. Le 2 Août 1830, son grand-père Charles X abdique, son oncle le duc d’Angoulême renonçant, lui aussi, à la couronne, le duc de Bordeaux, se retrouve donc le seul héritier légitime du trône. Alors que le duc d’Orléans – pourtant nommé par Charles X lieutenant général du royaume – se fait aussitôt élire roi des Français, pour la branche aînée : c’est l’exil. A la mort de Charles X, le duc de Bordeaux prend sa relève à la tête de la Maison de France, et une souscription nationale lui offre le domaine de Chambord, dont il prend le titre : il sera désormais le comte de Chambord. Il n’a pas un grand choix de princesses en raison du blocus matrimonial exercé par Louis-Philippe d’Orléans et doit se contenter de l’archiduchesse Marie-Thérèse, sœur aînée de Marie-Béatrice d’Autriche-Este, princesse de Modène, fille du duc François IV. Après la mort accidentelle du jeune héritier de Louis-Philippe le 13 juillet 1842, alors que la question de la régence divise la France, le comte de Chambord en profite pour rassembler autour de lui à Londres l’élite des partisans de la branche aînée, froissant au passage la Reine Victoria, qui elle, se rapproche peu à peu de la monarchie de juillet.

Suite à la révolution de 1848, les Orléans à leur tour connaissent l’exil, et Louis-Philippe, lui-même, avant de mourir le 26 août 1850 précise, contre l’avis de son entourage, que le comte de Chambord demeure le seul héritier légitime de la couronne. Cependant la division entre les deux branches demeure, et la réussite du coup d’Etat bonapartiste du 2 décembre 1851 en est la preuve. Cette division est d’autant plus absurde que le Comte de Chambord n’ayant pas d’héritier, la branche cadette est sûre de recueillir la succession. (Rappelons qu’alors il n’était pas question de la branche dite d’Anjou, car, malgré l’abrogation de la loi salique en Espagne le 29 mars 1830 par la pragmatique sanction du roi, les carlistes espagnols n’avaient pas encore abandonné toute prétention au trône d’Espagne).

La défaite de Sedan en 1870 marque la fin du second Empire, et les élections du 28 janvier 1871 donnent une chambre aux deux tiers royaliste. Malgré cette majorité, la chambre refuse de faire appel au comte de Chambord, pour éviter de lui faire endosser la défaite, et de le faire  » rentrer dans les fourgons de l’Etranger « , préférant attendre le départ des Allemands pour une éventuelle restauration. Le 8 juin 1871 est abrogée la loi d’exil : les princes peuvent rentrer en France, et les Orléans proposent enfin aux légitimistes une fusion acceptée par le Comte de Chambord, à la seule condition du rétablissement du drapeau blanc. La négociation n’aboutit pas, et le comte de Chambord renonce au trône, et repart en exil après un bref séjour.

A l’automne 1873, alors que la « république sans les républicains » semble en plein désarroi quand à son avenir, il revient incognito en France et réside 10 jours à Versailles, mais Mac-Mahon lui refuse toute entrevue et fait alors voter le septennat : la république s’installe pour durer.

Après cette dernière restauration manquée, le comte de Chambord meurt le 24 août 1883 à Frohsdorf. Il est enterré à Goritz (Slovénie).